Kenya : le plastique dans le viseur

un homme portant un sac contenant des dechets plastiques

Trois ans après avoir interdit les sacs, le gouvernement interdit le plastique à usage unique dans les zones protégées. Les résultats sont-ils au rendez-vous ?

Ils ont beau avoir protesté devant la justice, les industriels n’ont pas eu gain de cause dans cette guerre menée par les autorités contre le plastique. Annoncée il y a un an, la loi interdisant tous les plastiques à usage unique – comme les bouteilles d’eau ou les pailles – dans les parcs nationaux, plages, forêts et autres zones protégées du Kenya est entrée en vigueur ce vendredi 5 juin 2020. Trois ans après l’interdiction des sacs en plastique – une des plus strictes au monde –, cette nouvelle mesure est devenue plus concrète à l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement.

Une étape décisive

L’interdiction a été saluée par le militant écologiste Dipesh Pabari, initiateur du premier voilier entièrement construit en plastique recyclé, qui en 2019 a parcouru les côtes kényanes et tanzaniennes pour sensibiliser à la pollution au plastique. « Nous avons pu observer les effets catastrophiques que les plastiques à usage unique ont sur nos écosystèmes et nos communautés », a-t-il déclaré dans un communiqué. « Et maintenant, à l’heure de la pandémie, nous sommes aux premières loges pour voir ce qui se passe lorsque nous détruisons notre planète », a-t-il ajouté.

« Cette interdiction est à nouveau une première qui vise à faire face à la catastrophique pollution au plastique qui touche le Kenya et le monde, et nous espérons qu’elle va catalyser des politiques et des mesures similaires au sein de la communauté d’Afrique de l’Est », a déclaré le ministre du Tourisme, Najib Balala. Avant l’épidémie de coronavirus, le Kenya accueillait chaque année deux millions de touristes, attirés par les splendides plages de l’océan Indien et par la découverte du « Big Five » – les cinq animaux emblématiques de la savane.

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« En interdisant les plastiques à usage unique dans ses parcs nationaux et ses aires protégées, le Kenya continue de montrer son engagement à faire face au fléau mondial de la pollution au plastique », a déclaré l’UNEP dans un communiqué.

Mais les zones protégées ne représentent qu’environ 11 % du pays et une interdiction plus large des bouteilles en plastique sera plus difficile, selon James Wakibia, un photographe et activiste kenyan qui a plaidé pour l’interdiction des sacs en 2017.

Dans le monde, 127 pays ont une législation régissant d’une manière ou d’une autre l’usage des sacs en plastique, selon le PNUE. Parmi eux, 91 pays, dont 34 en Afrique et 29 en Europe, en interdisent ou limitent la production, l’importation ou la distribution commerciale. Et les législateurs kenyans figurent parmi les plus sévères : l’importation et la vente de sacs à usage unique sont passibles d’une peine de prison allant jusqu’à quatre ans ou d’amendes pouvant atteindre plus de 35 000 euros. Leur simple utilisation donne également lieu à une amende d’environ 270 à 1 350 euros, parfois assortie d’une peine d’un an d’emprisonnement. Résultats : d’après les conclusions d’une enquête menée par l’Autorité nationale de gestion de l’environnement du Kenya (NEMA), 80 % de la population a cessé d’utiliser des sacs en plastique depuis l’entrée en vigueur de l’interdiction.

Le gouvernement fait face à de nouveaux problèmes

Mais le Kenya a encore une très longue marche devant lui pour rendre les fruits de cette politique visibles. Malgré les sévères sanctions prévues, les déchets plastiques n’ont pas complètement disparu. Le pays compte tout de même plus de 170 fabricants d’emballages plastiques. « Il est bon que le Kenya interdise les plastiques à usage unique dans les zones protégées, mais pensons-nous aux quantités massives de déchets plastiques transportés par les rivières dans les lacs et les océans ? Le lac Nakuru en est un bon exemple, des milliers de déchets plastiques y coulent tous les jours », soulève ce défenseur de l’environnement sur Twitter.

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Les conséquences de ces usages abusifs sont graves pour l’environnement, où ces sacs jonchent souvent les bas-côtés, se retrouvent régulièrement bloqués dans les branches des arbres, sont parfois ingérés par le bétail et se retrouvent dans les cours d’eau et l’océan Indien. Une étude appuyée par le gouvernement a révélé que plus de 50 % des bovins près des zones urbaines avaient des sacs en plastique dans le ventre. Les conséquences sont aussi graves pour les populations. Les déchets plastiques finissaient par obstruer les cours d’eau et les canalisations, ce qui aggravait les inondations à la saison des pluies.

Autre problème cette fois créé par l’interdiction des sacs en plastique : les importations depuis la Chine et d’autres pays de sacs souvent en polypropylène moins chers que ceux fabriqués sur le territoire national, mais aussi de plus mauvaise qualité et non recyclables. Même si l’Afrique fait figure de chef de file mondial au regard du nombre de lois d’interdiction des plastiques à usage unique en vigueur, il reste encore beaucoup à faire.

Patrick Mwesigye, chargé de programme régional au PNUE, a expliqué à l’AFP que le degré de succès de ces réglementations variait selon les pays. Le Rwanda, où les sacs en plastique sont bannis depuis plus d’une décennie, est considéré comme l’une des plus grandes réussites. « Mais le Rwanda avait l’avantage qu’on n’y fabriquait pas beaucoup de plastique », quand l’interdiction est entrée en vigueur, souligne M. Mwesigye.

Les pays disposant d’industries de fabrication ou d’importation du plastique ont eu plus de mal à mettre en œuvre ces mesures, car elles ont des répercussions sur l’emploi. « Au Kenya […], ça a très bien marché. Malgré tout, vous avez encore du plastique qui entre clandestinement depuis les pays voisins », comme l’Ouganda, ajoute-t-il. L’expert observe que certains pays ont mis en place ces interdictions avant même d’avoir trouvé des alternatives appropriées, et que le contrôle et la mise en œuvre pratique restent parfois problématiques.

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Source: Le Point Afrique/Mis en : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée

Tribune d'Afrique

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