France : Depuis de Gaulle, une relation en dents de scie entre les présidents de la Ve République et les papes

Le pape François et le Président français Emmanuel Macron

Pape françois et le président français Emmanuel MacronUn an après Macron, la conférence des évêques a invité, récemment, François à se rendre en France en 2021. Dans la foulée, Jean Yves Le Drian, ministre français des affaires étrangères a fait une demande similaire à l’évêque de Rome. Si, à l’exception de Georges Pompidou, les sept autres présidents français de la Ve République se sont rendus au Saint-Siège, de Charles De Gaulle à Emmanuel Macron, chacun d’eux a entretenu des relations « particulières » avec les chefs de l’Eglise catholique qui se sont succédé.

26 juin 2018. Basilique Saint Jean de Latran. En marge de sa visite officielle au Vatican, Emmanuel Macron qui n’est au pouvoir que depuis un an reçoit le titre de Chanoine d’honneur. Depuis 1604 et Henri IV, les rois et présidents de la République de France sont exceptionnellement honorés par ce titre qui reste unique dans le protocole du Saint-Siège. Même si certains présidents ont dérobé à la pratique notamment Hollande et Mitterrand (Pompidou, mort pendant son premier mandat, n’en a pas eu le temps), cette distinction donne une connotation particulière aux liens diplomatiques et historiques entre la Fille aînée de l’Eglise et les Souverains pontifes. Alors que le président de la Conférence des évêques de France a invité François à un rassemblement de la famille ignacienne prévue en novembre 2021, invitation réitérée par Jean Yves Le Drian, à Marseille, passage en revue des relations entre les présidents de la Ve République et les papes. Jamais similaires d’un président à l’autre, toujours truculentes et souvent en dents de scie…

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De Gaulle, Chirac et Sarkozy, le un peu trio papiste

De Gaulle, Chirac, Sarkozy…, ces trois présidents de droite ont été les plus proches des papes. La première visite du Général remonte à 1944 alors qu’il n’était qu’à la tête du gouvernement provisoire. Il s’y rendra ensuite en 1959 et 1967 et entretiendra, avec Jean XXIII et Paul VI des relations presque filiales, échangeant, à titre personnel, de nombreux courriers avec ces deux pontifes. A l’opposé de ce catholique pratiquant, Chirac était fasciné par le mystère que dégageait le plus petit Etat du monde et vouait une admiration sans faille à Jean Paul II dont, pour rien au monde, il n’aurait manqué les funérailles en avril 2005. Après sa visite au pape en janvier 1996, Chirac recevra Jean Paul II quelques mois plus tard en France puis le pape polonais se rendra dans l’hexagone en 1997 et en 2004. Quant à Nicolas Sarkozy, très attaché aux « racines chrétiennes » de l’Europe, il tiendra un polémique discours lors de sa réception du titre de Chanoine de Latran en 2007 avant de se rendre de nouveau au Vatican en 2010 après avoir reçu à Paris, Benoit XVI en 2008. Très passionné par les questions que suscitent la Foi et la Raison, l’ancien président français ne se prive pas d’une discrète visite à François en 2016.

Giscard d’Estaing et Hollande, entre le chaud et le froid

Le 1er décembre 1975, la poignée de mains entre Giscard d’Estaing et Paul VI fut bien froide.  Le pontife italien en veut à la loi Veil, dépénalisant l’avortement et votée un an plus tôt. Le président français devrait d’ailleurs attendre trois ans avant de recevoir son titre de Chanoine de Latran en 1978. Premier chef d’Etat à être reçu par Jean Paul II, à peine dix jours près l’élection de ce dernier, Valery Giscard d’Estaing tentera l’apaisement avec le Saint-Siège. Mais le pape polonais est resté prudent avec le président français jusqu’à son départ du pouvoir en 1981. Avec François Hollande, ce fut parfois l’ironie, comme quand il déclarera, dans la foulée du conclave de 2013, « La France n’a pas de candidat ». Ou encore la provocation avec la nomination de Laurent Stefanini, homosexuel, comme ambassadeur de France alors que le président socialiste connaît bien la position de l’Eglise sur le sujet. Plusieurs mois après l’opposition de François à cette nomination, l’Elysée a fini par affecter le diplomate à l’Unesco. Contrairement à Giscard d’Estaing, Hollande n’a jamais voulu du titre de Chanoine d’honneur, ce qui ne l’empêchera pas de se rendre à la Cité apostolique pas moins de trois fois, en 2014, 2016 ou encore en mars 2017, à deux mois de son départ de l’Elysée.

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Mitterrand et Macron, la normalité diplomatique

Bien que de gauche, Mitterrand a entretenu des relations cordiales avec Jean Paul II, l’unique pape de ses deux mandats (1981-1995). Bien qu’il ait été le président qui a connu le plus long règne sous la Ve République, 14 années, il ne s’est rendu au Vatican qu’une seule fois. Très attaché à la laïcité et surtout, prudent sur les questions de la foi, François Mitterrand a insisté sur la « nature privée » de ce déplacement sans jamais se soustraire à la norme diplomatique au nom de laquelle il recevra le pape en 1983, 1986 mais aussi après sa réélection en 1988. Si tout comme Mitterrand qui a renoncé au titre de Chanoine d’honneur, Emmanuel Macron reste dans le canevas très diplomatique avec le Saint-Siège, il accepte néanmoins cette distinction qu’il recevra à peine un an après son élection. Emmanuel Macron entretient de réguliers contacts téléphoniques avec François avec qui il partage un attachement à l’écologie. L’Elysée a rendu officielle en avril et mai 2020 des entretiens à distance entre les deux hommes avant l’appel consécutif aux attentats de Nice en octobre 2020. Depuis l’année dernière, Macron a rendu officielle une invitation au Saint Père à se rendre en France.

Malgré l’invitation de la Conférence des évêques et celle du président français, il est peu probable, compte tenu de la pandémie du Covid-19, que le Pape ne voyage hors de l’Italie avant 2022. Mais le miracle reste possible.

MAX-SAVI Carmel, Paris, Afrika Stratégies France

Tribune d'Afrique

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