Éthiopie : les Sidama votent pour l’autonomie

Avec 98 % des voix « pour » à l’issue du référendum du 20 novembre, la région Sidama est bien partie pour devenir le dixième État du pays fédéral.

C’est le vice-président de la commission électorale Wubshet Ayale, qui a annoncé le résultat du référendum du 20 novembre lors d’une conférence de presse à Hawassa, à 200 km au sud d’Addis-Abeba. « Le vote du 20 novembre a été pacifique et sans gros défis logistiques, bien qu’en certains endroits, il y ait eu plus de files d’attente de votants que prévu » a-t-il analysé avant d’annoncer que près de 98 % des électeurs de l’ethnie Sidama de cette région du sud de l’Éthiopie avaient voté en faveur d’une nouvelle région semi-autonome. En effet, moins de 2 % des quelque 2,3 millions d’électeurs votants ont choisi de rester dans l’actuelle région fédérale des Nations, nationalités et peuples du Sud (SNNP – Sud), l’une des neuf d’Éthiopie.

10e région d’Éthiopie

Ce résultat ouvre donc la voie à la création d’une dixième région dans ce pays de la Corne de l’Afrique. « Les résultats préliminaires du référendum sur l’accession de la zone sidama au statut d’État montrent que les électeurs soutiennent la formation d’un État régional », a indiqué la radiotélévision Fana BC, proche du pouvoir central.

Mercredi, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed avait estimé que le bon déroulement du référendum avait démontré « notre capacité à régler nos différences dans les urnes et à permettre au processus démocratique de prévaloir ». L’Éthiopie est actuellement divisée en neuf régions semi-autonomes dessinées sur les bases d’un fédéralisme ethnique. Les Sidama, qui sont plus de trois millions, s’efforcent depuis des années de quitter la région SNNP à laquelle ils appartiennent actuellement. La nouvelle région Sidama fera donc sécession et se verra confier le pouvoir de percevoir des impôts et de contrôler notamment les écoles, la police et les services de santé.

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Un calendrier difficile à mettre en place

Mais sa création n’ira probablement pas sans complications. Le calendrier pour la formation de cette nouvelle région, l’allocation du budget fédéral, le partage des richesses au niveau régional sont des sources potentielles de litiges. Selon les analystes, ce résultat pourrait cependant conduire d’autres groupes à réclamer leur autonomie et redessiner les frontières au sein de l’Éthiopie, le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique avec plus de 100 millions d’habitants.

Depuis l’arrivée au pouvoir en avril 2018 du réformateur Abiy Ahmed, dernier Prix Nobel de la paix, l’Éthiopie connaît une forte recrudescence des violences intercommunautaires et des velléités autonomistes. Et ce référendum pourrait accentuer la tendance et le risque de fragmentation du pays en servant d’inspiration à certains des quelque 80 autres groupes ethniques éthiopiens.

La Constitution éthiopienne exige que le gouvernement organise un référendum pour tout groupe ethnique souhaitant former une nouvelle entité dans l’année qui suit sa demande. La route des Sidama pour quitter la région SNNP avait débouché sur des violences qui avaient fait plusieurs dizaines de morts en juillet et conduit Addis Abeba à placer la zone sous contrôle de la police fédérale et de l’armée. Selon les observateurs, la montée en puissance des revendications régionales et ethniques, en partie due à l’ouverture de l’espace politique initiée par Abiy Ahmed, s’accommode mal de son approche centralisatrice du pouvoir.

« La nouvelle région ne sera pas créée du jour au lendemain. Ceci (le scrutin) est juste une étape clé du processus », avait souligné avant le scrutin William Davison, chercheur pour le groupe de réflexion International Crisis Group (ICG). Le statut d’Hawassa, actuelle capitale de la région SNNP, dont les Sidama veulent faire leur capitale, est aussi épineux. Un accord signé récemment prévoit que le gouvernement régional SNNP restera dans la ville pour les deux prochains mandats de cinq ans. Mais la question pourrait resurgir ensuite.

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Enfin, quel sera le sort des minorités dans la nouvelle région, très diverse d’un point de vue ethnique ? « L’autonomie des Sidama ne devra en aucun cas porter préjudice aux résidents non sidama ou à leurs commerces, à aucun moment de ce processus », a prévenu William Davison. La résolution pacifique ou non de ces questions sera observée avec beaucoup d’attention, puisque au moins dix autres groupes dans le sud du pays ont lancé une procédure d’autonomie similaire à celle des Sidama.

Source: Le Point Afrique/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée

Tribune d'Afrique

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