En Tunisie, un député poursuivi en diffamation par le demi-frère de Patrick Balkany

Yassine Ayari

Le parlementaire Yassine Ayari, élu des Tunisiens de l’étranger, est accusé de faux, usage de faux et dénonciation calomnieuse.

Un député tunisien peut-il être poursuivi en France pour avoir fait son métier de parlementaire ? C’est l’épineuse question à laquelle sont confrontés le Parlement et le gouvernement de Tunis, depuis qu’une plainte a été déposée le 19 mars auprès du procureur de la République de Paris pour faux, usage de faux et dénonciation calomnieuse. Une démarche initiée par Julien Balkany et la société norvégienne qu’il dirige, Panoro Energy, contre Yassine Ayari, élu des Tunisiens de l’étranger et accusé de diffamation.

La genèse de l’affaire remonte à décembre 2018. A l’époque, le député Ayari, très actif au Parlement, adresse une question écrite au ministère tunisien. Il y fait part de ses inquiétudes sur l’entrée prochaine d’un nouvel actionnaire au capital de Thyna Petroleum Service (TPS). Cette société, spécialisée dans la prospection pétrolière au large de Sfax, est détenue à 51 % par l’Etat tunisien.

C’est l’entreprise autrichienne OMV qui possède le reste des parts, mais elle souhaite les céder. Principal candidat au rachat, Panoro Energy n’a pas les faveurs de Yassin Ayari : c’est un acteur « sans expérience dans le secteur pétrolier » et l’entreprise estalliée à « Slim Bouricha, propriétaire de la société [pétrolière] Beender, dont le nom a été mentionné dans les Panama Papers », déplore le député.

« Mettre en péril l’intérêt national »

L’élu souligne, en outre, que Panoro Energy est dirigée par « Julien Balkany, le demi-frère de Patrick Balkany, l’ancien député-maire de Levallois-Perret poursuivi en France pour corruption et blanchiment d’argent ». L’arrivée au capital d’un tel partenaire pourrait « mettre en péril l’intérêt national », conclut Yassine Ayari, TPS assurant environ 10 % de la petite production d’hydrocarbures tunisienne (quelque 40 000 barils par jour).

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L’alerte est prise d’autant plus au sérieux qu’à l’époque où la question écrite au gouvernement paraît, la Tunisie figure sur la liste noire du Groupe d’action financière internationale (GAFI) en matière de coopération contre le blanchiment, ainsi que sur la liste européenne des pays tiers à haut risque, dont le dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme présentait des carences stratégiques.

Dans sa réponse à Yassine Ayari publiée sur le site du Parlement tunisien, le ministère de l’industrie indique que la banque centrale est saisie de l’affaire. Il joint également au dossier trois éléments : une note diplomatique dans laquelle Abdelaziz Rassaa, l’ambassadeur de Tunisie à Paris à l’époque, indique qu’il transmet le courrier d’un lanceur d’alerte baptisé « Veronga Watch », le courrier en question et des coupures de presse évoquant des liens financiers entre Julien et Patrick Balkany en lien avec ce qui est devenu l’affaire de la villa de Marrakech.

Une plainte contre X

En 2016, des investigations de la justice française avaient effet permis d’établir que le compte bancaire de la société civile immobilière Dar Gyucy, derrière laquelle se cache le couple Balkany, avait été alimenté « à plusieurs reprises par Julien Balkany », demi-frère de l’ancien maire de Levallois-Perret.

Ce sont ces documents que Yassine Ayari reproduit sur sa page Facebook le 1er mars 2019 et qui lui valent aujourd’hui d’être poursuivi. Le député a en effet appris récemment qu’il était recherché par la brigade de répression de la délinquance contre la personne, relevant de la police judiciaire parisienne. Un courriel de la PJ qui évoque l’affaire et dont on trouve une copie sur Facebook précise que « Balkany Julien et la société Panoro Energy ASA ont déposé plainte contre Monsieur Rassaa et Monsieur Yassine Ayari pour diffamation ».

Il s’agit en réalité d’une plainte contre X, mais elle a de quoi surprendre. Techniquement, le député s’est contenté de relayer des documents publics. Pourquoi le cibler lui ? Ni la représentation de France en Tunisie, ni la direction régionale de la police judiciaire n’ont souhaité répondre. Pas plus que la société Panoro Energy, qui s’est contentée de renvoyer à son communiqué de presse évoquant les « graves propos diffamatoires et calomnieux ».

« Si la PJ tunisienne avait convoqué un député français, l’affaire aurait eu un tout autre impact », s’emporte Yassine Ayari. Pour y mettre un terme, le député a fait directement appel au chef de l’Etat, Kaïs Saïed. Ce dernier ne s’est pas manifesté, mais les ministres de la justice et des affaires étrangères ont fait savoir à l’élu qu’ils avaient pris connaissance du dossier. Le président du Parlement Rached Ghannouchi l’a également reçu pour lui exprimer son soutien.

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Source: Le Monde Afrique /Mis en ligne :Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée

Tribune d'Afrique

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