Croissance économique : une Afrique subsaharienne tout en contrastes

Selon la Banque mondiale, l’Afrique du Sud, deuxième économie du continent, devrait connaître une croissance de 0,9 %, en hausse par rapport au 0,4 % estimé en 2019.
© RODGER BOSCH / AFP

Si la Banque mondiale table sur une croissance de 2,9 % pour la région en 2020, tous les pays ne sont pas sur la même trajectoire.

Les économistes du bureau Afrique de la Banque mondiale sont extrêmement prudents pour l’année 2020. Et pour cause : «  La reprise en Afrique subsaharienne a été inférieure aux prévisions de début d’année », écrivent-ils d’emblée dans leur dernier rapport sur les perspectives économiques pour la région paru le 8 janvier. En effet, par rapport à ses projections de juin, l’institution de Bretton Woods a révisé à la baisse la croissance pour l’Afrique subsaharienne, qui devrait atteindre 2,9 % en 2020. Pas loin des 2,5 % de croissance mondiale, en légère accélération par rapport aux 2,4 % de 2019, année au cours de laquelle l’économie mondiale a connu sa pire performance depuis la crise financière de 2007-2008.

Certaines conditions

Pour autant, rien n’est gagné du côté des pays africains, avertissent les auteurs du rapport. Parce que, comme partout ailleurs dans le monde, les trajectoires économiques des pays subsahariens sont contrastées selon que l’on se situe dans la région ouest-africaine ou en Afrique centrale, en zone Cemac. Ce que l’on sait est que, pour faire durer cette légère reprise, il faudrait que la confiance des investisseurs s’améliore dans certaines grandes économies. En résumé, c’est comme si l’Afrique avait un peu perdu de sa force de traction. Mais les experts de la Banque mondiale ont relevé de nombreux autres freins. « Les prévisions sont plus faibles que prévu en raison de la baisse de la demande des principaux partenaires commerciaux, de la baisse des prix des produits de base et de l’évolution défavorable de la situation intérieure dans plusieurs pays », disent-ils dans la note dédiée aux pays subsahariens.

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Afrique du SudNigeria, Angola

En général, les prévisions pour l’année à venir débutent toujours par les grandes économies que sont l’Afrique du Sud, le Nigeria et l’Angola. Ainsi, « au Nigeria, le redressement de la production de pétrole n’a pas été à la hauteur des attentes : le manque de prévisibilité de l’action publique a freiné l’investissement dans de nouvelles capacités, et l’atonie de la demande intérieure dans un contexte difficile pour les entreprises a pesé sur la croissance du secteur non pétrolier », analysent les économistes de la Banque mondiale. La croissance du Nigeria devrait atteindre 2,1 %. Toutefois, le cadre macroéconomique n’est pas propice à la confiance.

Du côté de l’Afrique du Sud, deuxième puissance économique de la région, ce sont bien les délestages à répétition qui ont ralenti l’activité économique durant le premier semestre. Mais l’institution de Washington note aussi le manque de lisibilité dans les politiques publiques élaborées par le président Cyril Ramaphosa et son gouvernement. Les problèmes d’infrastructures de plus en plus contraignants, notamment dans le domaine de l’approvisionnement en électricité, devraient freiner la croissance intérieure, tandis que la dynamique des exportations sera entravée par la faiblesse de la demande extérieure, détaille la Banque mondiale. Après son élection comme président à la tête du pays après la victoire de l’ANC aux élections de mai 2019, ce dernier avait promis « une aube nouvelle » avec comme priorités : la lutte contre la corruption et la relance de l’économie. Même si la croissance devrait remonter à 0,9 %, la nouvelle administration sera forcée d’agir vite pour redresser le pays. Quant à l’économie angolaise, la croissance devrait s’accélérer à 1,5 %, mais, pour cela, les nouveaux dirigeants devront poursuivre les réformes pour améliorer l’environnement des affaires, soutenir l’investissement, mais aussi assurer une plus grande stabilité macroéconomique.

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Pour le reste des pays d’Afrique subsaharienne, les résultats sont encore plus inégaux. Sur le plan sous-régional, c’est l’Uemoa, l’Union économique et monétaire ouest-africaine, qui tire son épingle du jeu avec une croissance qui devrait se maintenir à 6,4 %.

Des résultats inégaux

Certains pays comme le Rwanda ou l’Ouganda ont connu une activité économique robuste, notamment grâce à des investissements publics en hausse. Et voilà déjà le pays des Mille Collines dans le top 5 des champions de la croissance en 2020 avec un taux estimé à 8,1 %. La Côte d’Ivoire (+ 7,3 %), le Sénégal, le Ghana (+ 6,8 %), et le Bénin (+ 6,7 %) devraient aussi faire partie du club. On remarque, dans ce classement, des pays dépourvus de ressources naturelles, comme le Bénin ou la Côte d’Ivoire, mais ils ont dopé leur croissance grâce à de bonnes récoltes. Quant à l’Éthiopie, longtemps champion d’Afrique, il faut souligner que son économie va connaître une croissance de seulement 6,3 % contre une estimation de 9 % en 2019.

Dans les autres pays de la région, la croissance devrait s’affermir pour atteindre 4,9 % l’an prochain. La reprise dans les pays exportateurs de produits de base sera soutenue par des investissements dans de nouvelles capacités de production de pétrole et de gaz au Cameroun et au Ghana, et l’accroissement des activités minières dans les pays exportateurs de métaux, en particulier la République démocratique du Congo et la Guinée. Mais c’est inévitablement aux Comores, au Malawi, au Zimbabwe ou encore au Mozambique que les vulnérabilités du continent seront les plus visibles. À cause des cyclones qui se sont succédé dans la zone, le nombre de victimes et les dégâts importants enregistrés ont eu des effets néfastes sur sa croissance.

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Mais ce qui préoccupe les analystes de la Banque mondiale, c’est le PIB par habitant. En effet, alors que c’est en Afrique subsaharienne que vivent 56 % des pauvres de la planète, la croissance du revenu par habitant devrait être la plus lente, loin des objectifs d’élimination de la pauvreté. En effet, même dans les régions où l’on enregistre des avancées sur ce front, la croissance économique est concentrée dans les centres urbains et profite peu aux pauvres en milieu rural. En plus de cette donnée, les pays du sud du continent doivent encore se débattre avec une dette qui s’accumule. « Dans certains pays, les entreprises contrôlées par l’État ont des dettes considérables qui posent un risque d’obligation contingente à des gouvernements déjà endettés », analyse le bureau Afrique de la Banque mondiale. Pour éviter les plans d’ajustement structurel comme dans les années 1990, la Banque mondiale préconise aux États de ne pas avoir un recours systématique à l’endettement à court terme, et en devises étrangères, notamment. Des points essentiels puisque des risques réels, comme « un ralentissement plus fort que prévu de l’activité chez les principaux partenaires commerciaux – Chine, zone euro et États-Unis –, pourraient peser sur la croissance. »

Source: Le Point Afrique/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée

Tribune d'Afrique

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