Alger-Tunis : vers une nouvelle ère de coopération

Abdelmajid Tebboune et Kaïs Saïed lors de leur rencontre, à Alger, début février 2020.
© Slim Abid / Tunisian Presidency / AFP

Alger compte réactiver son rôle régional. Tout à fait en phase avec lui, Tunis s’affirme comme un partenaire sur qui il peut compter.

« Bienvenue dans votre seconde patrie, nous avons tardé à nous voir, mais, comme on dit, les bonnes choses prennent tout leur temps » : c’est avec ces mots que le président algérien Abdelmadjid Tebboune a reçu à sa descente d’avion son homologue tunisien Kaïs Saïedà l’aéroport d’Alger le dimanche 2 février. Le chef d’État tunisien avait réservé sa première visite à l’étranger à l’Algérie, comme il l’avait promis dès son investiture. Pour rappel, le défunt président Béji Caïd Essebsi avait aussi effectué sa première visite officielle à l’étranger en Algérie en février 2015.

La rencontre s’est voulue chaleureuse : « Je dis le peuple algérien et tunisien, je n’utilise jamais le pluriel dans ce cas », a déclaré Kaïs Saïed, qui s’est vu, exceptionnellement, décoré par le président algérien de la médaille Athir, la plus haute distinction algérienne pour saluer l’excellence des relations bilatérales et « les sacrifices communs durant la guerre de libération », à quelques jours du 8 février, le 62eanniversaire du bombardement par l’armée française du village tunisien limitrophe de Sakiet Sidi Youcef.

Accorder les points de vue

Malgré ces effets d’annonce très positifs, les deux présidents semblent lucides sur les limites de la coopération entre Alger et Tunis par le passé. Le président algérien a reconnu qu’il fallait prospecter de « nouveaux instruments pour l’action commune » entre les deux pays, alors que son homologue tunisien insistait sur le fait qu’« il y a eu des expériences, certaines n’étaient pas réussies et d’autres relativement réussies ». « Il est donc nécessaire d’en déterminer les causes », a ajouté Kaïs Saïed. Néanmoins, cette visite a été l’occasion, pour les deux voisins en pleine transition politique face aux bouleversements géostratégiques régionaux avec la guerre en Libye, de tenter d’accorder les points de vue.

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Justement, sur le dossier libyen, dans lequel Alger entend reprendre son activisme diplomatique mis en sourdine ces dernières années, les points de vue convergent. Tebboune souhaite dorénavant « la tenue, à Alger ou à Tunis, de rencontres avec tous les Libyens et l’ensemble des tribus libyennes afin d’amorcer une nouvelle ère pour l’édification de nouvelles institutions permettant l’organisation d’élections générales et l’établissement des nouveaux fondements de l’État libyen démocratique, à la condition que cette proposition soit acceptée par l’Organisation des Nations unies (ONU) ». Alger et Tunis ont également décidé de réactiver les « mécanismes bilatéraux de consultation politique et de suivi sécuritaire » autour de la question libyenne, selon une source diplomatique algérienne.

Doctrine sécuritaire

Même sur le dossier épineux du Sahara, Tunis, qui adopte une « neutralité positive », comme le rappelle El Watan, s’était engagé par la voix du président Kaïs Saïed, à lancer une « initiative tunisienne visant à créer un comité du Maghreb pour traiter la question du Sahara occidental et résoudre le conflit ». Sur le plan sécuritaire, Alger et Tunis maintiennent un « haut niveau de coopération », selon une source officielle. Depuis la naissance d’une zone d’activisme terroriste à la frontière algéro-tunisienne (965 kilomètres), notamment dans la région du mont Chaambi, et l’extension de l’Aqmi algérien vers le voisin de l’Est depuis 2011, les armées des deux pays ont multiplié les opérations communes, intensifier les échanges de renseignements et des réunions mixtes des deux états-majors ont même eu lieu à la 5eRégion militaire (Constantine, Est algérien) : une première. « La sanctuarisation de la Tunisie est une garantie de stabilité pour toute la région, explique-t-on à Alger. C’est une nécessité absolue au vu des événements en Libye et des débordements sécuritaires dans la région sahélienne à nos frontières sud. »

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L’économie gage de stabilité

Mais cette doctrine sécuritaire est aussi accompagnée d’un effort dans le secteur économique afin de stabiliser le voisin tunisien. Il faut rappeler ici qu’Alger avait octroyé à la Tunisie, en mai 2004, 250 millions de dollars : « une aide financière non remboursable de 50 millions de dollars, un accord pour le dépôt par l’Algérie de 100 millions de dollars à la Banque centrale tunisienne et un prêt de 100 millions de dollars à la Tunisie. Au total, 250 millions de dollars qui consolidaient ainsi les avoirs de l’État tunisien en devises », rappelle encore El Watan.

Ce soutien à l’économie tunisienne se poursuit puisque l’Algérie a décidé, à l’occasion de la visite de Kaïs Saïed, de déposer 150 millions de dollars dans la Banque centrale tunisienne. Alger s’est engagé également à faciliter le paiement de l’approvisionnement en gaz et hydrocarbures « en attendant que la Tunisie traverse ses difficultés », selon les termes d’Abdelmadjid Tebboune. Avec la signature entre les deux pays, en décembre 2008, d’un accord commercial préférentiel et l’adhésion d’Alger, en janvier 2009, à la grande zone arabe de libre-échange, « les échanges commerciaux entre les deux pays ont enregistré une augmentation substantielle ».

Durant les onze premiers mois de l’année 2019, l’Algérie a exporté vers la Tunisie un peu plus d’un milliard de dollars, un chiffre en progression de 13 % par rapport à la même période en 2018. En 2019, la Tunisie a attiré près de 3 millions de touristes algériens sur 9,4 millions de touristes étrangers ayant visité ce pays, selon l’Office national tunisien du tourisme en Algérie (ONTT), soit une évolution annuelle de plus de 7 %.

Source: Le Point Afrique/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée

Tribune d'Afrique

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