Les manifestations ont repris, jeudi, à Khartoum au lendemain d’une journée sanglante au cours de laquelle au moins quinze personnes ont été tuées par les forces de sécurité.

C’est une nouvelle journée de violences qui s’annonce au Soudan. Les forces de sécurité ont à nouveau tiré, jeudi 18 novembre, des grenades lacrymogènes sur des manifestants anti-putsch à Khartoum au lendemain de la journée la plus sanglante depuis le coup d’État du 25 octobre.

En matinée, jeudi, alors que les communications téléphoniques avaient été rétablies après une coupure lors de la répression, les forces de sécurité ont de nouveau tenté de disperser des dizaines de manifestants, restés sur leurs barricades dans la banlieue nord de la capitale. 

Là, au moins onze personnes, dont une femme, ont été fauchées mercredi par des balles tirées, selon un syndicat de médecins prodémocratie, par les forces de sécurité qui visaient « la tête, le cou ou le torse ».

Au total depuis le putsch, 39 personnes, dont trois adolescents, ont été tuées et des centaines blessées. 

Jeudi matin, la vice-secrétaire d’État américaine pour les Affaires africaines Molly Phee a condamné « la violence contre des manifestants pacifiques », tandis que Michelle Bachelet, la Haute commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, a qualifié les violences des forces de l’ordre soudanaise contre des manifestants désarmés de « tout à fait honteuses ».

« C’est tout à fait honteux que des tirs à balles réelles aient été effectués contre les manifestants mercredi après nos multiple appels aux militaires et forces de sécurité à ne pas faire usage d’une force disproportionnée contre des manifestants », a-t-elle déclaré dans un communiqué.

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Après plus de trois semaines de coupure d’internet, qui se poursuit par ailleurs jeudi, la brutale déconnexion des 45 millions de Soudanais a entamé la mobilisation : là où les manifestants étaient des dizaines de milliers le 30 octobre et le 13 novembre, cette fois-ci, ils n’ont plus été que des milliers mercredi.

Face à eux, les forces de sécurité étaient tout aussi nombreuses, bloquant les ponts reliant Khartoum à ses banlieues et les avenues habituellement arpentées par les manifestants, en 2019 pour dire non au dictateur Omar el-Béchir et désormais au général Abdel Fattah al-Burhane, auteur du putsch.

Jeudi, de nouveau, elles étaient déployées et tentaient de dégager les barricades à Khartoum-Nord, a rapporté un témoin.

Tirs sur des ambulances

Mercredi, Soha, une manifestante de 42 ans, avait fait état d’une « répression féroce » avec « des tirs de grenades lacrymogènes et assourdissantes en continu ». 

Dans le pays où plus de 250 manifestants avaient été tués lors de la révolte qui a mis fin à trente ans de dictature en 2019, l’un des fers de lance du soulèvement de l’époque, l’Association des professionnels soudanais, a dénoncé des « crimes contre l’humanité ».

Pour ce mouvement, malgré tout, « le massacre » de mercredi ne fait que « conforter les slogans : ni négociations, ni partenariat, ni compromis » avec l’armée, scandés depuis le 25 octobre dans les rues du Soudan en dépit des centaines d’arrestations de militants, de journalistes ou de simples passants.

La police, elle, assure ne pas ouvrir le feu et la télévision d’État a annoncé l’ouverture d’une enquête sur les manifestants tués. Pourtant mercredi soir, le syndicat des médecins accusaient les forces de sécurité de les pourchasser jusque dans les hôpitaux et de tirer des grenades lacrymogènes sur blessés et ambulances.

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Le 25 octobre, le général Burhane a rebattu les cartes d’une transition chancelante depuis des mois. Il a fait rafler la quasi-totalité des civils au sein du pouvoir et mis un point final à l’union sacrée formée en 2019 par civils et militaires.

Alors qu’aucune solution politique ne semble en vue, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a annoncé être prêt à soutenir de nouveau le Soudan si « l’armée remet le train (de la transition) sur les rails ».

« Corriger la trajectoire de la révolution »

À Khartoum ces derniers jours, Molly Phee a fait la navette entre le Premier ministre Abdallah Hamdok en résidence surveillée et le général Burhane, pour tenter de relancer la transition démocratique.

Mais le chef de l’armée semble ne plus vouloir reculer : il s’est récemment renommé à la tête de la plus haute institution de la transition, le Conseil de souveraineté. Et a reconduit tous ses membres militaires ou pro-armée, remplaçant uniquement quatre membres partisans d’un pouvoir entièrement civil par d’autres civils, apolitiques.

Alors que les militaires tardent à nommer les nouvelles autorités qu’ils promettaient depuis des jours, Molly Phee a plaidé pour le retour de Abdallah Hamdok, alors que les quelques ministres libres affirment être toujours l’unique cabinet « légitime », refusant de négocier.

Le général Burhane, lui, continue de promettre des élections en 2023 et assure n’avoir agi que pour « corriger la trajectoire de la révolution ».

Source: France 24/ Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée

Tribune d'Afrique

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