« L’Europe et l’Afrique doivent relever ensemble le défi du Covid-19 »

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Pour le Cian*, une stratégie commune s’impose au moment où, face au Covid-19, l’Europe est au cœur du cyclone quand l’Afrique s’apprête à y entrer.

L’Afrique n’échappe pas à la propagation du Covid-19. Après l’Asie, l’Europe et l’Amérique, le virus va déferler sur le continent dans les prochaines semaines. 51 des 54 États du continent sont maintenant atteints et près de 10 000 cas sont maintenant recensés. Les principaux foyers se situent toujours en Afrique du Sud, en Égypte et dans les trois pays du Maghreb, mais l’épidémie progresse partout. Concentrée sur sa propre gestion de cette crise dramatique, l’Europe semble négliger les conséquences de l’expansion du virus au sud de la Méditerranée. L’Afrique est pratiquement absente du débat public.

Les pays du continent vont avoir les pires difficultés à lutter contre ce virus invisible : les mesures de confinement mises en œuvre ailleurs risquent de ne pas pouvoir être reproduites à l’identique. Les données épidémiologiques, souvent lacunaires, ne permettront pas de refléter la progression réelle du Covid-19. Les équipements manquent, qu’il s’agisse des masques, des tests de dépistage ou des appareils respiratoires. La densité de population dans les métropoles africaines – Lagos compte 20 millions d’habitants – va en outre favoriser les contaminations. Le seul facteur d’espoir, qui demande à être confirmé, réside dans la jeunesse de la population du continent : la médiane d’âge s’établit à 21 ans en Afrique subsaharienne et à 31 ans au Maghreb, contre 47 ans en Italie. Or il semblerait que le Covid-19 soit moins virulent auprès des jeunes. Mais cela suffira-t-il ?

Pour Etienne Giros, président délégué du CIAN (Conseil français des investisseurs en Afrique), « les pays du continent vont avoir les pires difficultés à lutter contre ce virus invisible ». © DR

Une crise économique sans précédent

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Au-delà des drames humains, les conséquences de cette crise de santé publique s’annoncent dramatiques sur le plan économique. L’ONU estime que le continent a un besoin immédiat de 200 milliards de dollars pour répondre aux défis sanitaires. Il en faudra probablement dix fois plus pour atténuer les effets sur les économies africaines. Les pays africains n’ont pas les réserves financières ou les capacités que l’Europe peut mobiliser. Une récession paraît inéluctable, car les mauvaises nouvelles s’additionnent. Le prix des matières premières, principales ressources à l’exportation des pays africains, est en train de baisser fortement. Et des secteurs entiers des économies sont d’ores et déjà à l’arrêt, comme le transport aérien, le tourisme et l’hôtellerie. L’informel, qui représente près de 80 % des emplois sur le continent, sera durement touché par la chute de l’activité. Ceux qui travaillent dans ce secteur mangent le soir ce qu’ils ont gagné pendant la journée. À la crise sanitaire pourrait bien s’ajouter l’urgence alimentaire.

L’effondrement des prix du pétrole représente une autre menace majeure. Les pays africains producteurs ont besoin de cours à 60-70 dollars pour assurer leur équilibre financier. Avec un baril à 25 dollars, ils connaîtront, à brève échéance, une crise de liquidités. On estime le manque à gagner pour les pays pétroliers africains à près de 100 milliards de dollars en 2020, dont 25 milliards pour le seul Nigeria, la première économie du continent. L’argent qui irrigue l’économie va venir à manquer, par exemple dans le secteur des exportations agricoles où il faut préfinancer les campagnes pour permettre aux filières de fonctionner (cacao, café, coton, bois tropicaux). Dans beaucoup d’États où la protection sociale est quasi inexistante, l’émergence de tels blocages économiques peut déboucher sur des tensions sociales et une flambée de l’insécurité.

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Une réponse collective s’impose

Face à ces bouleversements annoncés, la réponse ne peut être que collective et multilatérale. Il faut mettre à disposition des États africains la trésorerie nécessaire pour leur permettre d’accorder à leurs entreprises des reports ou des réductions d’impôts et de cotisations. Sinon, le secteur privé africain, déjà chancelant, sera mis à contribution pour faire face à la crise alors qu’il n’en a plus les moyens. Il faut aussi suspendre le remboursement de la dette publique de l’Afrique pour lui donner de l’oxygène. Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies, a lancé un appel en ce sens. Il doit être entendu ! Cette décision appartient aux bailleurs de fonds internationaux, mais aussi à la Chine. Ensuite, il faudra vite réfléchir à réactiver les circuits d’aide alimentaire et sanitaire pour les populations.

Une autre mesure salutaire pour aider l’Afrique consisterait à ce que les pays de l’Opep et la Russie interrompent leur guerre tarifaire suicidaire et mettent fin à la spirale surproduction/effondrement de la demande. C’est une mesure politique qui peut être prise très rapidement.

Il appartient à la communauté internationale de prendre conscience de la gravité de la crise qui se joue en Afrique. Jean-Yves Le Drian, le chef de la diplomatie française, a annoncé qu’un paquet financier serait mobilisé pour aider le continent à surmonter les effets sanitaires et économiques de la pandémie. Il doit être mis en œuvre sans plus tarder avec nos partenaires de l’Union européenne. Nous avons une obligation de solidarité, mais aussi un intérêt à la mettre en œuvre, car le virus ne connaît pas de frontières. L’Europe et l’Afrique devront trouver ensemble une réponse à ce défi global. Les entreprises françaises investies en Afrique y prendront leur part, comme elles l’ont déjà montré par le passé.

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Source: Le Point Afrique/Mis en Ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée

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