L’Afrique subsaharienne doit privilégier le commerce intra-africain, selon la Banque mondiale

Dans son rapport « Africa’s Pulse 2020 », la Banque mondiale confirme une récession en Afrique subsaharienne. Elle préconise de maintenir ouvert les couloirs logistiques entre les pays et demande aux créanciers de la zone de geler le service de la dette.

Face à la crise sanitaire, la Banque mondiale ne mâche pas ses mots dans son rapport Africa’s Pulse 2020-Évaluation de l’impact du COVID-19 et des réponses politiques en Afrique subsaharienne publié le 8 avril : l’Afrique subsaharienne se dirige tout droit vers la récession, « du jamais vu depuis vingt-cinq ans », commente Albert Zeufack, son économiste en chef pour la région Afrique.

Que l’on prenne un scénario optimiste, qui voit la pandémie reculer en Afrique comme dans le reste du monde dans les deux prochains mois, ou un scénario pessimiste, qui la voit durer jusqu’en 2021, sa croissance qui a atteint +2,4 % en 2019 est cassée net. Dans le premier cas, le recul est de -2,1 % et dans le deuxième, de -5,1 %.

Contraction du pouvoir d’achat

« C’est entre 37 et 79 milliards de dollars de production que l’Afrique subsaharienne va perdre », souligne Albert Zeufack qui ajoute : « C’est essentiellement la chute brutale des cours des matières premières qui affecte les équilibres macro-économiques. Par exemple, les États exportateurs d’hydrocarbures avaient en moyenne bâti leur budget sur un baril de pétrole valant 55/60 dollars. Avec une chute des cours de 60 %, ils n’ont plus les moyens de financer leurs dépenses. Les trois plus grandes économies, le Nigeria, l’Afrique du Sud et l’Angola, sont menacées d’un recul de huit points de pourcentage ».À

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L’Afrique de l’Est qui participe aux chaînes de valeur mondiales à l’instar de l’Éthiopie ou du Kenya n’échapperait pas à la récession. Les seuls pays à conserver un semblant de croissance seraient les pays qui n’exportent pas ou peu de produits du sous-sol.

Ce phénomène de récession est grave pour les populations, car la croissance économique tombera nettement sous le taux régional moyen de croissance démographique qui est de + 2,7 %. Le pouvoir d’achat se contracterait de 7 % dans le scénario optimiste et de 10 % dans le scénario pessimiste. Et si les États ferment leurs frontières pour ce protéger de la contagion, ce sera pire encore, soit un recul du pouvoir d’achat de 14 % dans le meilleur des cas avec une vraie menace pour la sécurité alimentaire.

Maintenir les services publics de base

La principale recommandation du rapport est donc de préserver le commerce intra-africain qui, seul, permet de mutualiser les stocks et les productions des uns et des autres. On pourrait la résumer par un appel pressant : « ne fermez pas vos frontières si vous ne voulez pas aggraver la crise ».

L’Afrique est le continent de l’informel, c’est-à-dire de la précarité des recettes et de l’emploi. 89 % de son emploi total dépendent de ce secteur où l’on gagne sa vie au jour le jour. « Confiner pour des raisons sanitaires ce monde sans lui apporter les moyens de survivre ne marchera pas et l’agitation sociale s’y opposera », souligne Albert Zeufack. « Les politiques doivent s’inspirer de l’expérience acquise par exemple au cours de l’épidémie Ebola et laisser les villages et les communautés trouver les comportements d’hygiène et de protection adéquats ».

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L’idéal serait de pouvoir protéger les plus pauvres, de leur assurer le maintien de services publics comme l’eau et l’électricité, de leur distribuer de la nourriture voire de l’argent. Il faudrait aussi que les États soutiennent les entreprises formelles ou informelles pour qu’elles n’en soient pas réduites à supprimer des emplois.

Indispensable gel de la dette

« Privée de recettes alors qu’elle doit payer ses lourdes dettes, l’Afrique subsaharienne n’aura pas les moyens à la fois pour financer la lutte contre la pandémie et pour soutenir ses acteurs économiques les plus fragiles. Elle ne peut se passer d’une assistance financière internationale », affirme Albert Zeufack.

Pour la Banque mondiale comme pour le Fonds monétaire international (FMI) et l’ONU, un « gel » de la charge de sa dette est indispensable. En 2018, cette charge a représenté 35 milliards de dollars. « Dans une région qui pourrait avoir besoin de de mesures urgentes de stimulation économique pour un montant de 100 milliards de dollars (..), le moratoire sur la dette pourrait injecter immédiatement des liquidités et élargir [les capacités budgétaires] des gouvernements africains », conclut le rapport Africa’s Pulse.

Source : Jeune Afrique/Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée

Tribune d'Afrique

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